Depuis plus d’une décennie, les pédagogues américains s’intéressent au portfolio en éducation. Aujourd’hui, au Québec, au temps des réformes en éducation et de la mondialisation, comme en France, en Suisse et en Belgique, il devient incontournable d’intégrer le portfolio numérique à la pratique pédagogique des formatrices et formateurs universitaires ainsi que des enseignantes et enseignants du milieu scolaire.
Les formateurs des programmes de formation initiale à l’enseignement au secondaire (BES) et à l’enseignement de l’anglais langue seconde (BEALS) de l’Université de Sherbrooke ont donc intégré à leur formation, à l’automne 2005, le Cyberfolio de compétences professionnelles comme outil d’écriture réflexive en vue de soutenir le développement professionnel des finissantes et finissants de 4e année. Cet outil permet à la future enseignante ou au futur enseignant de présenter ses meilleures réalisations en regard des compétences professionnelles à développer. L’initiative a été lancée par une professeure responsable du développement de la formation à la pratique enseignante, qui a été soutenue par un conseiller pédagogique en intégration des TIC au Service de soutien à la formation, et le conseiller pédagogique aux stages BES/BEALS.
Un portfolio électronique propulsé par SPIP
Après avoir évalué quelques solutions existantes, nous avons choisi de développer le Cyberfolio à l’aide de SPIP, un système de publication de sites Web disponible gratuitement sous licence GPL (www.spip.net). Dans un contexte de ressources limitées, l’utilisation de SPIP nous a ainsi permis de concevoir un outil adapté au contexte pédagogique, sans avoir à programmer toute l’infrastructure nécessaire à la mise en ligne d’un portfolio. Il est d’ailleurs intéressant de constater que, même si SPIP n’était pas destiné, à l’origine, à répondre à des besoins proprement pédagogiques, il a servi de base à de nombreux projets d’intégration des TIC en enseignement, tant au Québec qu’outre-frontières.
SPIP permet donc aux stagiaires de produire un site Web de qualité professionnelle, où sont déposés des documents rendant compte de leurs diverses réalisations. C’est en se fondant sur ces pièces justificatives, qu’il s’agisse d’un simple texte ou d’une séquence vidéo tournée en classe, que la ou le stagiaire mènera sa réflexion et fera le point sur ses conceptions et ses compétences. Aussi, cette réflexion pourra être alimentée par la personne chargée de superviser le ou la stagiaire et ce, par l’envoi de commentaires intégrés à même le Cyberfolio.
Notons enfin que le développement du Cyberfolio s’inscrit dans une démarche itérative, où les commentaires recueillis auprès des stagiaires et de l’équipe de supervision conduiront, nous le souhaitons, à une amélioration constante de l’outil. Ainsi va le développement logiciel : une première version voit à peine le jour que déjà s’en prépare une seconde !
Nouveau modèle d’évaluation en collaboration
Les formateurs des programmes BES et BEALS ont également développé un nouveau modèle d’évaluation en collaboration. En effet, un jury d’évaluation pluricatégoriel, composé d’un professeur ou chargé de cours ayant offert au moins une activité cours au niveau de la 4e année, d’un directeur d’école et d’un superviseur universitaire, aura pour tâche d’évaluer un certain nombre de cyberfolios en ligne en avril 2006. Après cette étape, les membres du jury rencontreront les futurs enseignants et enseignantes concernés pour une entrevue orale collective, le 21 avril. Chaque personne présentera devant les membres présents une compétence cible de son cyberfolio et répondra à au moins une question d’explicitation de chacun des membres du jury d’évaluation dans le but d’apporter des précisions et des clarifications à sa production. Cette démarche permet à chaque futur enseignant ou enseignante d’articuler sa pensée.
Les divers formateurs développent dans cette situation interactive une intercompréhension de la construction constante des significations des réalisations chez les futurs enseignants et une collaboration fructueuse au plan de l’intervention éducative. C’est un levier pour la formation. Chez les futurs enseignants et enseignantes, le gain se situe au plan de la coformation et de la formation en périphérie ou proximale. Ce processus d’évaluation n’est pas nouveau pour eux, la démarche a été vécue à la fin de chacune des trois premières années de formation où un portfolio de compétences professionnelles a été produit sur support papier. La nouveauté réside dans la présence d’une direction d’école dans le jury à la place d’un enseignant associé à la formation.